Mes chers fidèles,
Tout d’abord,vous remarquerez que cette fin d’année coïncide avec le début de l’année suivante, et vous admirerez dans ce processus novateur les effets de ma politique de Réforme et de Rupture. Vous noterez également que je m’adresse à vous en tant que fidèles, car je sais que vous me l’êtes tous. J’aurais pu vous appeler “mes chers concitoyens”, mais la fidélité, à l’égal du mérite, est une vertu bien supérieure à la citoyenneté, notion ringarde au parfum de jacobinisme, évoquant les heures sombres de 1789, de la Commune de Paris, du Front Populaire, de mai 68 (il pâlit discrètement sous son bronzage), et autres vicissitudes que traversa jadis et hélas notre cher et beau pays. Mon prédécesseur, le triste Monsieur Chirac, affectionnait de voir en vous ses “chers compatriotes”, et s’en gargarisait. Bien sûr, il m’arrive d’utiliser ce vocable démagogique, mais, grâce à l’Europe qui a l’honneur de servir sous mes ordres depuis six mois et jusqu’à demain, vous êtes tous, européens aimés, mes compatriotes. Sauf les Irlandais, mais moi et le Seigneur tout puissant y mettrons bon ordre avant longtemps.
Donc, mes chers sujets fidèles et méritants, je me présente devant vous la tête haute, les pieds bien campés sur leurs talonnettes, et le cœur plein du bien que je vous fais. Quand je considère mon bilan, malgré la modestie que vous êtes unanimes à me reconnaître, je rougis de fierté.
Le nombre de sans-emplois s’élève à moins de 10% de la population active. On pourra dire que, dix-huit mois après le début de mon règne, 90% des Français ont encore un travail. On prétend que ça ne durera pas et que de nombreux salariés vont rejoindre ces malheureux chômeurs ( larmes dans la voix). Eh bien ! Je peux les assurer qu’ils me trouveront toujours à leurs côtés pour aider leurs patrons ! D’ailleurs, avec mon Plan de relance, je débloque vingt-six milliards d’Euros, oui, je dis bien vingt-six milliards d’Euros, pour les patrons misérables !
Et, à propos des misérables, j’ai appris que seule une toute petite minorité de notre peuple se nourrit dans les soupes populaires ou les Restos du Cœur. Et le nombre de vieillards et de sans-abris qui meurent de froid au bois de Vincennes ou sur les trottoirs parisiens est en régression, grâce à ma subordonnée et amie Madame Christine le Pieuse, incomparable ministre de la Ville. Nous n’en diffuserons d’ailleurs plus le nombre, afin de ne pas donner de mauvaises habitudes aux âmes faibles qui seraient tentées par de telles expériences..
Quant aux banquiers, parlons-en ! J’ai justement stigmatisé leur avidité, leur propension à faire de l’argent avec de l’argent au lieu de l’investir dans la production. Joignant le geste à la parole, je leur ai donné onze milliards d’Euros, avec possibilité de rallonge à trois cents milliards. Comme ça, ces citoyens douteux n’auront plus besoin de capitaliser ou de spéculer : c’est vous, mes chers méritants fidèles, qui leur donnez les sous dont ils ont besoin. Admirable solidarité nationale ! Remerciez-moi, remerciez Madame Christine la Finance !
On me dit que, dans leur égoïsme, certains habitants de ce pays, gens à fibre patriotique sous-développée, se plaignent de la baisse de leur pouvoir d’achat.
Que ne se plaignent-ils plutôt du désir effréné de consommation entretenu par les mauvais bergers des syndicats, des communistes (il frémit) et des démagogues ! Les bas salaires ? Tenez, moi, par exemple, depuis un an et demi, je ne me suis augmenté qu’une seule fois, et je ne vais pas battre le pavé en manifestant !
Mes chers fidèles méritants et sujets, je vais vous parler de la jeunesse. Je vous invite à remercier Monsieur Xavier, qui a su, ou tout au moins essayé de la protéger des vieux démons qui l’encroûtaient dans une facilité funeste, en bardant les écoles et lycées d’enseignants ignares et budgétivores.
Comme vous le savez, ma très chère Rachida, elle, les protège de leurs mauvais instincts en leur construisant des prisons modernes, sans rats et sans cafards. Oui, je dis bien sans rats ni cafards ! Vous noterez aussi que depuis, mettons, au moins huit jours, le pourcentage des suicides dans les établissements pénitentiaires ne s’est pas accru. A mettre également à l’actif de cette femme admirable la diminution drastique des tribunaux, organes haïs de la répression.
Mes méritants et chers fidèles sujets, vous avez devant vous un homme de paix. Sous mon proconsulat, le nombre de soldats et d’officiers partis en Afghanistan combattre les infidèles avec nos alliés américains a augmenté de façon significative. Le nombre de tués aussi. Et je compte sur le charisme de ma personnalité pour impressionner Israéliens et Palestiniens et faire cesser les massacres pour ma plus grande gloire et celle de nos amis Ehud et Tzipni.
La France est devenue terre de culture; Je ne veux pas mentionner la culture des céréales et l’élevage des bêtes à cornes. Nos vaillants paysans, en proie à des difficultés économiques croissantes, sauront les surmonter avec le panache qui a toujours fait la gloire de l’agriculture française. Et eux aussi savent qu’ils peuvent compter sur mon appui moral.
Mais la culture, la vraie, celle de Madame Christine n° 3, s’épanouit comme jamais, aux yeux de ceux qui le croient, par amour pour moi. Quant aux sceptiques, aux blasés, aux ricaneurs, je les plains. Ils passent à côté de l’Histoire (la mienne).
Votre santé, fidèles méritants et chers, placée sous la bienveillante et compétente houlette de Madame Roselyne, elle ne risque rien tant que vous êtes bien portants. Si vous dérogez à ce devoir, vous tomberez entre les mains des médecins, urgentistes, infirmières et autres morticoles, dont je tente de vous protéger en augmentant les franchises et en réduisant tous les remboursements, encouragements à la paresse.
Autre incitation à la paresse, la retraite. Grâce à moi, vous pourrez désormais, vaillants et méritants fidèles, travailler jusqu’à soixante-dix ans. Qui sait ? Peut-être plus.
Encore un mot, à l’orée de cette nouvelle année sainte. La laïcité. A cette invention sectaire qui place la religion en dehors de l’Etat et en fait une affaire strictement privée, je veux substituer une laïcité positive, ainsi que j’ai eu l’occasion de le dire à notre bien-aimé pape Monsieur Benoît (que je salue pieusement au passage). Les religions seront officielles.
Elles jouiront des prérogatives de toues les institutions d’Etat, telles que les écoles et les administrations. De privées, les religions, toutes les religions deviendront publiques.
Le contraire des privatisations, que mes adversaires me jettent à la tête dans leur mauvaise foi.
Je ne saurais terminer mon allocution sans exprimer ma sympathie agissante à cet admirable fleuron de notre peuple, le sel de la terre, cette phalange que le monde nous envie : le MEDEF. Grande est ma fierté de n’être jamais resté sourd aux appels de ces femmes et ces hommes, que j’ai su munir d’un bouclier fiscal les mettant hors de portée des envieux et des méchants.
Mes chers méritants sujets et fidèles, je vous souhaite une année pleine de réformes, de ruptures, en un mot, pleine de Moi.
En attendant, la première cantatrice de France, Madame Carla, va vous interpréter la Marseillaise.
Le chanoine Nicolas
PCC Jacques FRANCK 1 janvier 2009