La Saint-Valentin du chanoine

Posted on : 13-02-2009 | By : vincent | In : Les propos du vieux toubib

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A son réveil, le président-chanoine passa une main appuyée et protectrice sur l’aimable croupe de Madame Carla. “Merci, mon poulet !” rétorqua la bénéficiaire du geste.

“Ce n’est rien, ma brave, ce n’est rien, juste pour marquer la Saint-Valentin. Mais comme ma bonté s’étend à toute la nature, je vais faire plus fort !”
La first lady of the bed, alléchée, s’attendit à mieux. Elle fut un peu déçue quand son seigneur et maître ne se précipita que sur son téléphone portable et convoqua son conseil particulier pour préparer un grand coup – qui n’était pas celui qu’elle escomptait.
Il convoqua ses conseillers les plus aptes à gérer la Saint-Valentin. Il y avait là Monsieur Claude, le secrétaire et éminence grise du chanoine. Madame Rachida, portant d’une main la balance de la Justice et de l’autre les Sceaux de la République, poussait comme elle le pouvait un landau, car il y avait grève des baby-sitters. Les quatre pom-pom girls ne voulaient pas manquer ça : Christine de Bercy (celle de la récession), Christine la Pieuse (celle des mal-logés), Christine de l’Inculture, et Christine l’épouse de Monsieur Bernard, le vertueux du Quai d’Orsay. Les deux Eric, le budgétivore et l’expulseur, siégeaient eux aussi dans cette haute assemblée, ainsi que Madame MAM, dont la compétence ministérielle s’étendait aux Cultes, sinon à l’amour. Le Nonce apostolique remplaçait Sa Sainteté Monsieur Benoît, qui n’avait pas pu faire le déplacement. Madame Laurence représentait les forces vives de la Nation et de la Thune.
Le chanoine, conformément à son habitude, se râcla la gorge, tordit un peu son visage, se félicita en son for intérieur d’être si beau, et informa le Conseil de ses intentions :
“Mes chers fidèles, nous honorons la Saint-Valentin, traditionnellement fête des amoureux. Sachez d’abord qu’en ce domaine comme en tous, mon expérience est ancienne, multiple, et incomparable (Il ricana complaisamment). Mais je vais innover : ma politique de Réforme et de Rupture va transfigurer la célébration de ce grand saint. Au lieu de se limiter aux petits cadeaux ringards à nos vaillantes compagnes et (il loucha vers les dames) à vos valeureux compagnons, nous allons couvrir de présents tous ceux que nous aimons. Je précise :
-A mes amis banquiers, j’entends par là les patrons méritants et pas les sous-fifres ni le petit personnel, j’offre 11 milliards d’euros et je tiens à leur disposition 340 autres milliards. A condition qu’ils soient sages, mais je sais qu’ils le seront (il ricana derechef).
-Les grands entrepreneurs, surtout ceux qui figurent au tableau d’honneur dit CAC 40, sont le sel de la terre. Nous leur donnerons, pour relancer leur courage, 26 milliards d’euros. Au passage, je rends hommage à Monsieur Christophe, PDG de TOTAL, dont le modeste labeur a permis à sa petite entreprise d’engranger 13 milliards de bénéfices en 2008 ! (Applaudissements)
-Nos compatriotes allèguent une soi-disant baisse de leur pouvoir d’achat pour acheter moins d’automobiles. Cet incivisme m’afflige.
Je vais en compenser les effets et prêter 3 milliards d’euros à chacun de nos 2 constructeurs. Ils me rembourseront quand ils pourront. Par solidarité, Moi, chanoine de la République, j’ai acheté récemment une “Vel Satis” spéciale qui ne coûte que 150.000 euros au Trésor Public. Que le peuple en prenne de la graine ! (Nouveaux applaudissements)
-La taxe professionnelle, si j’en crois mon amie Madame Laurence (elle s’inclina), saigne les patrons au profit des collectivités locales. Je la supprime. Les maires et conseillers généraux se débrouilleront autrement. D’ailleurs, je ne suis plus maire de Neuilly, ce qui m’autorise une vision plus large des choses (rires dans l’assistance).
Et n’oubliez pas, mes chers fidèles, que grâce au bouclier fiscal et à toutes les mesures prises depuis le début de mon proconsulat, j’ai su préserver les vraies valeurs de la Saint-Valentin !”

On vit alors entrer une foule d’infidèles. Les agents du service public, dont on supprimait les emplois, les enseignants, chercheurs, étudiants, les innombrables salariés de l’industrie que l’on jetait sur le pavé, y compris ceux qui avaient construit la “Vel Satis”, les chômeurs et les futurs chômeurs, ceux que l’on avait vus et entendus le 29 janvier et que l’on reverra, plus nombreux le 19 mars, les ménagères au panier vide, les malades et les médecins. Même les magistrats en manque de tribunaux et les soldats en manque de casernes. Tous ceux, ils étaient légion, qui n’avaient pas envie de rire et d’applaudir aux propos du chanoine.
Et, par centaies de milliers les Guadeloupéens, suivis des Martiniquais, des Guyanais, des Réunionnais : “Vous n’avez pas un mot pour nous, vous ne nous donnez pas un sou, vous nous laissez vivre dans les pires conditions économiques, et vous vous prétendez président de tous les Français ! Nous ne voulons plus de vous !”

Le chanoine-président, oreille basse, profil bas, queue basse, s’enfuit. On lui avait gâché sa Saint-Valentin.

Jacques FRANCK 13 février 2009

Le grand et le petit

Posted on : 21-01-2009 | By : vincent | In : Les propos du vieux toubib

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Monsieur Barack avait eu une journée fatigante mais intéressante. Une de celles qui comptent dans la vie d’un homme. Il se préparait à prendre un repos réparateur.
A cinq mille kilomètres de là, son nouveau collègue, Monsieur Nicolas, signait un chèque de cinq ou six milliards à l’ordre des patrons de l’automobile. Son chéquier était presque aussi vide que les caisses de l’Etat, il avait signé ces temps-ci beaucoup de chèques semblables aux banquiers et aux pauvres entrepreneurs quémandant une relance.
Comme il ne restait plus ni chèque ni encre pour les services publics et une politique sociale, il rangea son stylo et se saisit de son téléphone.
“Appelez-moi Washington, mademoiselle ! Oui, Monsieur Obama ! O-B-A-M-A ! ” La technologie aidant, il eut bientôt son correspondant au bout du sans-fil .
“Salut, Barack! C’est Nico le chanoine, tu sais, le président de tous les Français ! Le copain à Carla ! Ça roule, ma poule ? Et comment vont Mimi et les gamines ? Dis donc tu aurais pu m’inviter à ton pince-fesses ! Bon, ça ne fait rien. Tu y penseras la prochaine fois.
A propos, je te félicite. Te voilà un grand de ce monde. Comme moi. Et tu sais quoi ? A nous deux, on va le changer, le monde ! Tu pourras dire et même chanter : Yes, we can, avec le chanoine !”

C’en était trop. Le Président Obama sombra dans un affreux cauchemar.

Jacques FRANCK

Le songe du chanoine

Posted on : 15-01-2009 | By : vincent | In : Les propos du vieux toubib

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Ce soir-là, le président Nicolas était soucieux. Il se tournait et retournait sur la couche conjugale et élyséenne en proie à de sombres préoccupations. Il croyait que ses sujets se détachaient de lui, et les derniers sondages donnaient du poids à ses craintes. Vers une heure du matin, il réveilla sa femme : “Ma brave Carla, donne-Moi un somnifère ! (depuis quelque temps, il se parlait en majuscules)
-Tiens, mon poulet !”
Elle lui introduisit amoureusement dans les oreilles les écouteurs d’un lecteur MP3, où on avait enregistré l’intégrale de son dernier récital. Dès les premières notes, le chanoine s’endormit.
La vie redevint belle. Avec son secrétaire général Monsieur Claude, Madame Christine la Pieuse, celle de la Ville et des SDF (choisie pour ses accointances pontificales), le chef du protocole de l’Élysée, et un émissaire spécial de Monsieur Benoît du Vatican, Monsieur Nicolas prépara son sacre. Il pensait ainsi reconquérir auprès de son peuple l’amour, voire l’adoration qui lui étaient dûs. Madame Christine, celle de la Finance, débloqua les crédits. Monsieur Bernard, celui qui se croyait le grand vizir de la diplomatie, papillonna un peu entre Paris et Rome. Monsieur Eric, celui qui remplaçait Monsieur Brice, expulsa à tout hasard quelques indésirables.
Monsieur le président Nicolas récusa Reims comme lieu du sacre, cet endroit n’avait pas porté chance à Madame Ségolène. Il n’était pas superstitieux, mais on ne sait jamais.
Finalement, on choisit la basilique Saint-Jean de Latran à Rome, où l’impétrant occupait déjà les fonctions de chanoine honoraire.
La cérémonie fut superbe. Monsieur Nicolas, abandonnant son short de jogging, avait passé une cape en hermine sur un complet de Giorgio Armani. Monsieur Benoît, suivi de Monsieur Silvio Berlusconi (qui attendait son tour), s’avança vers lui, portant à bout de bras une couronne de chez Cartier.
“Ach ! Mon cher fils et estimé chanoine, je vais te faire le roi de la fille aînée de mon Eglise !
-Pas de ça, Benoît, s’écria le chanoine, Mon pouvoir ne vient que de Moi !”
Répétant le geste de feu Napoléon Premier lors de son propre sacre face au pape Pie VII, il se saisit de l’objet pour en ceindre son beau front.
La couronne, lui échappant des mains, tomba.

Le bruit réveilla le chanoine. Il vit alors le peuple, hérissé de drapeaux rouges, réclamant du travail, des salaires, de la démocratie. Et ça, ce n’était plus un songe.

Jacques FRANCK 15 janvier 2009

Les vœux du chanoine Nicolas

Posted on : 01-01-2009 | By : vincent | In : Les propos du vieux toubib

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Mes chers fidèles,

Tout d’abord,vous remarquerez que cette fin d’année coïncide avec le début de l’année suivante, et vous admirerez dans ce processus novateur les effets de ma politique de Réforme et de Rupture. Vous noterez également que je m’adresse à vous en tant que fidèles, car je sais que vous me l’êtes tous. J’aurais pu vous appeler “mes chers concitoyens”, mais la fidélité, à l’égal du mérite, est une vertu bien supérieure à la citoyenneté, notion ringarde au parfum de jacobinisme, évoquant les heures sombres de 1789, de la Commune de Paris, du Front Populaire, de mai 68 (il pâlit discrètement sous son bronzage), et autres vicissitudes que traversa jadis et hélas notre cher et beau pays. Mon prédécesseur, le triste Monsieur Chirac, affectionnait de voir en vous ses “chers compatriotes”, et s’en gargarisait. Bien sûr, il m’arrive d’utiliser ce vocable démagogique, mais, grâce à l’Europe qui a l’honneur de servir sous mes ordres depuis six mois et jusqu’à demain, vous êtes tous, européens aimés, mes compatriotes. Sauf les Irlandais, mais moi et le Seigneur tout puissant y mettrons bon ordre avant longtemps.
Donc, mes chers sujets fidèles et méritants, je me présente devant vous la tête haute, les pieds bien campés sur leurs talonnettes, et le cœur plein du bien que je vous fais. Quand je considère mon bilan, malgré la modestie que vous êtes unanimes à me reconnaître, je rougis de fierté.
Le nombre de sans-emplois s’élève à moins de 10% de la population active. On pourra dire que, dix-huit mois après le début de mon règne, 90% des Français ont encore un travail. On prétend que ça ne durera pas et que de nombreux salariés vont rejoindre ces malheureux chômeurs ( larmes dans la voix). Eh bien ! Je peux les assurer qu’ils me trouveront toujours à leurs côtés pour aider leurs patrons ! D’ailleurs, avec mon Plan de relance, je débloque vingt-six milliards d’Euros, oui, je dis bien vingt-six milliards d’Euros, pour les patrons misérables !
Et, à propos des misérables, j’ai appris que seule une toute petite minorité de notre peuple se nourrit dans les soupes populaires ou les Restos du Cœur. Et le nombre de vieillards et de sans-abris qui meurent de froid au bois de Vincennes ou sur les trottoirs parisiens est en régression, grâce à ma subordonnée et amie Madame Christine le Pieuse, incomparable ministre de la Ville. Nous n’en diffuserons d’ailleurs plus le nombre, afin de ne pas donner de mauvaises habitudes aux âmes faibles qui seraient tentées par de telles expériences..
Quant aux banquiers, parlons-en ! J’ai justement stigmatisé leur avidité, leur propension à faire de l’argent avec de l’argent au lieu de l’investir dans la production. Joignant le geste à la parole, je leur ai donné onze milliards d’Euros, avec possibilité de rallonge à trois cents milliards. Comme ça, ces citoyens douteux n’auront plus besoin de capitaliser ou de spéculer : c’est vous, mes chers méritants fidèles, qui leur donnez les sous dont ils ont besoin. Admirable solidarité nationale ! Remerciez-moi, remerciez Madame Christine la Finance !
On me dit que, dans leur égoïsme, certains habitants de ce pays, gens à fibre patriotique sous-développée, se plaignent de la baisse de leur pouvoir d’achat.
Que ne se plaignent-ils plutôt du désir effréné de consommation entretenu par les mauvais bergers des syndicats, des communistes (il frémit) et des démagogues ! Les bas salaires ? Tenez, moi, par exemple, depuis un an et demi, je ne me suis augmenté qu’une seule fois, et je ne vais pas battre le pavé en manifestant !
Mes chers fidèles méritants et sujets, je vais vous parler de la jeunesse. Je vous invite à remercier Monsieur Xavier, qui a su, ou tout au moins essayé de la protéger des vieux démons qui l’encroûtaient dans une facilité funeste, en bardant les écoles et lycées d’enseignants ignares et budgétivores.
Comme vous le savez, ma très chère Rachida, elle, les protège de leurs mauvais instincts en leur construisant des prisons modernes, sans rats et sans cafards. Oui, je dis bien sans rats ni cafards ! Vous noterez aussi que depuis, mettons, au moins huit jours, le pourcentage des suicides dans les établissements pénitentiaires ne s’est pas accru. A mettre également à l’actif de cette femme admirable la diminution drastique des tribunaux, organes haïs de la répression.
Mes méritants et chers fidèles sujets, vous avez devant vous un homme de paix. Sous mon proconsulat, le nombre de soldats et d’officiers partis en Afghanistan combattre les infidèles avec nos alliés américains a augmenté de façon significative. Le nombre de tués aussi. Et je compte sur le charisme de ma personnalité pour impressionner Israéliens et Palestiniens et faire cesser les massacres pour ma plus grande gloire et celle de nos amis Ehud et Tzipni.
La France est devenue terre de culture; Je ne veux pas mentionner la culture des céréales et l’élevage des bêtes à cornes. Nos vaillants paysans, en proie à des difficultés économiques croissantes, sauront les surmonter avec le panache qui a toujours fait la gloire de l’agriculture française. Et eux aussi savent qu’ils peuvent compter sur mon appui moral.
Mais la culture, la vraie, celle de Madame Christine n° 3, s’épanouit comme jamais, aux yeux de ceux qui le croient, par amour pour moi. Quant aux sceptiques, aux blasés, aux ricaneurs, je les plains. Ils passent à côté de l’Histoire (la mienne).
Votre santé, fidèles méritants et chers, placée sous la bienveillante et compétente houlette de Madame Roselyne, elle ne risque rien tant que vous êtes bien portants. Si vous dérogez à ce devoir, vous tomberez entre les mains des médecins, urgentistes, infirmières et autres morticoles, dont je tente de vous protéger en augmentant les franchises et en réduisant tous les remboursements, encouragements à la paresse.
Autre incitation à la paresse, la retraite. Grâce à moi, vous pourrez désormais, vaillants et méritants fidèles, travailler jusqu’à soixante-dix ans. Qui sait ? Peut-être plus.
Encore un mot, à l’orée de cette nouvelle année sainte. La laïcité. A cette invention sectaire qui place la religion en dehors de l’Etat et en fait une affaire strictement privée, je veux substituer une laïcité positive, ainsi que j’ai eu l’occasion de le dire à notre bien-aimé pape Monsieur Benoît (que je salue pieusement au passage). Les religions seront officielles.
Elles jouiront des prérogatives de toues les institutions d’Etat, telles que les écoles et les administrations. De privées, les religions, toutes les religions deviendront publiques.
Le contraire des privatisations, que mes adversaires me jettent à la tête dans leur mauvaise foi.
Je ne saurais terminer mon allocution sans exprimer ma sympathie agissante à cet admirable fleuron de notre peuple, le sel de la terre, cette phalange que le monde nous envie : le MEDEF. Grande est ma fierté de n’être jamais resté sourd aux appels de ces femmes et ces hommes, que j’ai su munir d’un bouclier fiscal les mettant hors de portée des envieux et des méchants.

Mes chers méritants sujets et fidèles, je vous souhaite une année pleine de réformes, de ruptures, en un mot, pleine de Moi.
En attendant, la première cantatrice de France, Madame Carla, va vous interpréter la Marseillaise.

Le chanoine Nicolas

PCC Jacques FRANCK 1 janvier 2009

La légende de la Nativité

Posted on : 20-12-2008 | By : vincent | In : Les propos du vieux toubib

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Monsieur Benoît, bien que relativement récent dans le métier prenait au sérieux ses fonctions pontificales. Il ne manquait aucune fête carillonnée, n’aurait pour rien au monde raté la moindre béatification, bénissait urbi et orbi à bras raccourcis, recevait lui-même les pécheurs dans son confessionnal privé, ordonnait les prêtres par fournées entières (bien que les amateurs se fissent rares), maniait l’encensoir avec la dextérité d’un jeune diacre, émettait bulles et encycliques chaque mercredi matin de 10 à 11 sur Radio Vatican, relayé à l’intention des fidèles français par Radio Notre Dame (100.7 Mhz). Il allait à la messe tous les dimanches. Dans la ligne de son grand prédécesseur Monsieur Jean-Paul, il menait un implacable combat contre le démon et ses avatars contemporains, le préservatif, l’IVG, la fornication, l’homosexualité.
“Ach !, dit-il à son for intérieur en ce jour de décembre de l’an de grâce 2008 (tous les ans sont de grâce quand on a la vraie foi), Ach ! Il va me falloir faire un grand coup pour Noël ! Gott mit uns !” Cette pieuse incantation signait l’origine germanique du Saint-Père, en quelque sorte son péché mignon.
Monsieur Benoît enfourcha sa motopapamobile, un bel engin rouge de marque Ducati, remplaça sa tiare par un casque intégral, don de la Banque du Saint-Esprit, et roula vers Saint-Jean de Latran.
Il avait un rendez-vous confidentiel dans une sacristie avec le chanoine Nicolas, à ses heures président de la République française, pour qui il nourrissait une affection paternelle. Les deux illustres personnages se congratulèrent, s’informèrent de leur santé respective, commentèrent l’état du monde. Monsieur Benoît se lamenta un peu, se plaignant de la baisse générale de piété qui n’arrangeait pas ses affaires, et d’une arthrose des genoux qui nuisait à ses génuflexions professionnelles. Son interlocuteur lui conseilla la Réforme et la Rupture, maîtres mots de sa propre politique, dont toutefois l’efficacité n’était pas démontrée.
Puis ils en vinrent aux choses sérieuses, la célébration de la Nativité.
- Très cher fils et estimé chanoine, on va faire une crèche ! L’originalité de la chose frappera les esprits et ramènera à Dieu ses enfants égarés.
- Vénéré Pontife et Benoît de mon cœur, j’admire la lumineuse clarté de ton imagination et me prosterne devant ta sagesse. Mais si ça pouvait, par la même occasion, ramener aussi vers Moi quelques électeurs défaillants, ce serait là œuvre pie.
- Ach ! Président de la fille aînée de l’Eglise ! Dans notre infinie bonté, nous y veillerons. Où on la fait, cette crèche ?
- Papissime, j’ai en location une modeste cabane à Paris, au coin de la rue du faubourg Saint-Honoré et de l’avenue Matignon. Les gens du pays l’appellent l’Élysée. La simplicité de l’endroit sied à l’événement.
- Qu’il soit fait suivant tes désirs, chanoine !
Monsieur Benoît congédia Nicolas d’un geste bénisseur appuyé.
La nuit tombait sur le huitième arrondissement de Paris, lieu choisi par le Seigneur pour l’accomplissement du miracle. Un silence régnait, annonciateur de l’extraordinaire, à peine troublé par le bruissement d’un vélib, le gai ronronnement d’un ange gardien assurant, sur sa motocyclette, la sécurité de tous (sauf de ceux qui ne la méritaient pas) ou le tintement du portable d’un barbouze vigilant.
Monsieur Claude, secrétaire général, partageait les tâches d’organisation avec Madame Michelle, apôtre de l’Intérieur, ayant à ce titre la charge des cultes.

Ils choisirent, pour l’installation de la sainte crèche, la salle de réception de l’Élysée. La sobriété et le dépouillement de la pièce évoquaient à s’y méprendre l’étable de Bethléem où s’était déroulée, deux mille huit ans plus tôt, la répétition générale de la cérémonie. Il fallait de la paille, on la réclama à Monsieur Jean-Louis. Ses compétences en écologie, quoique limitées, le désignaient à cet effet. Il en trouva dans une grange du quinzième arrondissement et bomba le torse d’orgueil : c’était la première fois que le Grenelle de l’environnement servait à quelque chose.
Pour les animaux, on demanda un âne au ministère de l’Education Nationale. Monsieur Xavier, qui adoptait depuis peu un profil bas, accepta le rôle. Un boeuf, il n’y en avait pas. On dut se contenter d’un mammouth, ce qui permit à un prédécesseur du ministre, prénommé Claude (à ne pas confondre avec le secrétaire) de jouer enfin un rôle dans les affaires du pays.
Une conseillère technique s’imposait : Madame Christine, apôtre du Logement et de la Ville, affichait une ferveur religieuse dont tous ne pouvaient se targuer. On avait bien pressenti Monsieur le Cardinal André Vingt-Trois, mais il était retenu à minuit en sa cathédrale et ne pouvait pas se libérer de cette obligation.
Le choix des personnages principaux fut épineux. Il se cristallisa entre plusieurs postulantes au rôle de Marie. Dans un but d’ouverture, quelqu’un avança le nom de Madame Ségolène. C’était hardi mais risqué. Il était sage de ne pas insister. Madame Rachida se proposa, mais, on ne sait pas pourquoi, on flaira chez elle une incompatibilité avec la notion d’Immaculée Conception. Madame Christine, apôtre des Finances, n’avait pas le look. Finalement, le casting retint madame Fadela. Au nom de la discrimination positive.
Pour le premier rôle masculin, Joseph, on désigna François, individu un peu falot qui se croira père de l’enfant à venir comme il se croit chef du gouvernement de la France.
Madame Rama provoqua un petit scandale. Elle exigea le personnage de Marie-Madeleine. On dut lui expliquer l’anachronisme : cette jeune femme n’apparaîtra dans la saga que bien plus tard et elle n’était pas à Bethléem. Mécontente, Madame Rama refusa le poste de chef des enfants de chœur qu’on lui offrait et claqua la porte.
Tout était en place. Les invités présentaient leurs visages graves et pieux aux caméras de Messieurs Bouygues, Lagardère, Bolloré. Celles de France Télévision étaient absentes, n’ayant plus les moyens de couvrir les grands moments de la vie. Au premier rang, on reconnaissait la fleur de la culture française : Monsieur Christian Clavier, Monsieur Johnny, Monsieur Jean-Marie Bigard, Monsieur Doc Gynéco.

Juste avant minuit, l’obscurité se fit. Madame Carla entonna “Il est né le divin enfant !” A cet instant précis, on assista au miracle de la Nativité. Les projecteurs se rallumèrent, illuminant sur sa couche de paille, entre Joseph et Marie, l’enfant Nicolas le chanoine. Il se racla un peu la gorge et adressa un discours au peuple.
Le peuple, consterné, s’écria :”Putain, on en prend encore pour trente-trois ans !”

Jacques FRANCK 20 décembre 2008

La légende de Saint-Nicolas

Posted on : 05-12-2008 | By : vincent | In : Les propos du vieux toubib

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Ce samedi 6 décembre aux aurores, le chanoine dormait d’un sommeil agité. Avisant le calendrier, la Première Dame du Lit (First Lady of the Bed), Madame Carla, le réveilla en chantant une mélodie extraite de son dernier album et en susurrant  : “Lève-toi, mon poulet ! Aujourd’hui, c’est ta fête !
-Mais depuis le 6 mai 2007, c’est tous les jours, ma fête ! Pourquoi plus que d’habitude ? Ah oui, j’oubliais ! Les enfants, putain, faut que je m’occupe des enfants, c’est la Saint-Nicolas, merde !”
Il sonna son secrétaire, monsieur Claude, son premier couteau, Monsieur François, son acolyte à la petite enfance, Madame Nadine, et sa préposée à la jeunesse, Madame Roselyne, chargés de l’assister dans cette mission. Tous courbèrent l’échine avec la deference d’usage, sauf Madame Roselyne, dont la configuration physique limitait la flexion. Dans l’enthousiasme, on prépara la tournée du saint chanoine et on en réunit les instruments : la barbe blanche, la hotte, et le Falcon 900.
Monsieur Nicolas put alors inonder les enfants de France de ses bontés.
Aux enfants des ouvriers de la métallurgie, de l’automobile, et de quelques autres industries, dont la fermeture allait dans le sens de l’Histoire, il fit un cadeau somptueux. Leurs parents, n’étant plus tenus de perdre leur temps à l’usine, purent se consacrer à leurs foyers à temps complet.
Les enfants des écoles, que l’on débarrassait de plusieurs milliers d’enseignants inutiles, échappèrent à une pédagogie d’un autre âge et bénéficièrent d’un allégement de programmes contraignants. Merci à Saint Xavier et béni soit son nom. Les enfants n’avaient pas besoin de se farcir la tête, on leur demanderait seulement d’être des citoyens obéissants.
Grâce à la soi-disant baisse du pouvoir d’achat de leurs parents, nombre de gamins eurent la chance d’éviter les maladies de surcharge et les perturbations gastro-intestinales. Leur alimentation, frugale par la force des choses et les effets d’une bonne politique gouvernementale, fut bénéfique à ceux qui survécurent.
Les franchises sur les remboursements médicaux, mettant fin à une surconsommation de soins, évitèrent aux jeunes generations (et, par la même occasion, aux vieilles) de devenir des poules mouillées
Les enfants de familles immigrées en “situation irrégulière” virent leurs parents ou grands parents transportés dans des centres de rétention et même, quelquefois,  embarqués gratuitement dans des avions. Malgré les inévitables petits soucis d’organisation qui en résultèrent, ce fut là une aventure grandiose. Hommage et grand merci à Saint Brice.
Dans sa générosité, le chanoine Nicolas n’oublia pas les enfants un peu turbulents. A partir de douze ans, ils eurent le droit de connaître la prison. Comme les grands. Chacun reconnut dans ce cadeau la patte incomparable de Sainte-Rachida.
Enfin les enfants de Marciac, dans le Gers, assistèrent à la première d’un spectacle inédit: un superbe numéro de gendarmes et de chiens dressés, dans leurs propres classes.
Quant aux enfants des banquiers, des grands entrepreneurs, des travailleurs du MEDEF, des parachutistes dorés, sans oublier les petits anges des paradis fiscaux, le bon Saint-Nicolas pensa aussi  paternellement à eux.
Grâce aux centaines de milliards déversés avec libéralité sur leurs familles, méritantes s’il en fut, ces bambins récurrent une large part de la générosité du Saint.
Le soir venu, le chanoine rejoignit sa soupente de la rue du Faubourg Saint-Honoré, la conscience en paix. Il avait bien servi son pays.

Jacques FRANCK 5 décembre 2008