La légende de Saint-Nicolas

Posted on : 05-12-2008 | By : vincent | In : Les propos du vieux toubib

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Ce samedi 6 décembre aux aurores, le chanoine dormait d’un sommeil agité. Avisant le calendrier, la Première Dame du Lit (First Lady of the Bed), Madame Carla, le réveilla en chantant une mélodie extraite de son dernier album et en susurrant  : “Lève-toi, mon poulet ! Aujourd’hui, c’est ta fête !
-Mais depuis le 6 mai 2007, c’est tous les jours, ma fête ! Pourquoi plus que d’habitude ? Ah oui, j’oubliais ! Les enfants, putain, faut que je m’occupe des enfants, c’est la Saint-Nicolas, merde !”
Il sonna son secrétaire, monsieur Claude, son premier couteau, Monsieur François, son acolyte à la petite enfance, Madame Nadine, et sa préposée à la jeunesse, Madame Roselyne, chargés de l’assister dans cette mission. Tous courbèrent l’échine avec la deference d’usage, sauf Madame Roselyne, dont la configuration physique limitait la flexion. Dans l’enthousiasme, on prépara la tournée du saint chanoine et on en réunit les instruments : la barbe blanche, la hotte, et le Falcon 900.
Monsieur Nicolas put alors inonder les enfants de France de ses bontés.
Aux enfants des ouvriers de la métallurgie, de l’automobile, et de quelques autres industries, dont la fermeture allait dans le sens de l’Histoire, il fit un cadeau somptueux. Leurs parents, n’étant plus tenus de perdre leur temps à l’usine, purent se consacrer à leurs foyers à temps complet.
Les enfants des écoles, que l’on débarrassait de plusieurs milliers d’enseignants inutiles, échappèrent à une pédagogie d’un autre âge et bénéficièrent d’un allégement de programmes contraignants. Merci à Saint Xavier et béni soit son nom. Les enfants n’avaient pas besoin de se farcir la tête, on leur demanderait seulement d’être des citoyens obéissants.
Grâce à la soi-disant baisse du pouvoir d’achat de leurs parents, nombre de gamins eurent la chance d’éviter les maladies de surcharge et les perturbations gastro-intestinales. Leur alimentation, frugale par la force des choses et les effets d’une bonne politique gouvernementale, fut bénéfique à ceux qui survécurent.
Les franchises sur les remboursements médicaux, mettant fin à une surconsommation de soins, évitèrent aux jeunes generations (et, par la même occasion, aux vieilles) de devenir des poules mouillées
Les enfants de familles immigrées en “situation irrégulière” virent leurs parents ou grands parents transportés dans des centres de rétention et même, quelquefois,  embarqués gratuitement dans des avions. Malgré les inévitables petits soucis d’organisation qui en résultèrent, ce fut là une aventure grandiose. Hommage et grand merci à Saint Brice.
Dans sa générosité, le chanoine Nicolas n’oublia pas les enfants un peu turbulents. A partir de douze ans, ils eurent le droit de connaître la prison. Comme les grands. Chacun reconnut dans ce cadeau la patte incomparable de Sainte-Rachida.
Enfin les enfants de Marciac, dans le Gers, assistèrent à la première d’un spectacle inédit: un superbe numéro de gendarmes et de chiens dressés, dans leurs propres classes.
Quant aux enfants des banquiers, des grands entrepreneurs, des travailleurs du MEDEF, des parachutistes dorés, sans oublier les petits anges des paradis fiscaux, le bon Saint-Nicolas pensa aussi  paternellement à eux.
Grâce aux centaines de milliards déversés avec libéralité sur leurs familles, méritantes s’il en fut, ces bambins récurrent une large part de la générosité du Saint.
Le soir venu, le chanoine rejoignit sa soupente de la rue du Faubourg Saint-Honoré, la conscience en paix. Il avait bien servi son pays.

Jacques FRANCK 5 décembre 2008

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