Le chanoine et les voyous (Conte de printemps)

Posted on : 01-04-2009 | By : vincent | In : Les propos du vieux toubib

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Monsieur Nicolas, en ce jour du premier avril, déployait une activité polymorphe et, comme d’habitude, remarquable.
Il se préparait à se rendre à Londres, où il allait réformer le capitalisme et donner une leçon magistrale d’économie mondiale à ses petits collègues Barack, Gordon, Angela, Silvio, Hu Jintao, José-Luis, Lula, et quelques autres.
Il devait sauver les ouvriers de Caterpillar, dans l’Isère, menacés de licenciements massifs. Il s’était déjà fait la main sur ceux d’Arcelor Mittal, en Lorraine, qui savaient ce que vaut l’engagement présidentiel.
Dans trois jours, à Strasbourg, il allait brandir le sabre de la France et faire don de sa personne à l’OTAN.
Mais une urgence s’imposait. A cet effet, il convoqua en sa chaumière de l’Élysée ses hommes et femmes de main, premiers, seconds et troisièmes couteaux fraternellement confondus. Il les autorisa aimablement à s’asseoir, se passa la main dans les cheveux, susurra quelques mots discrets dans l’oreille de son portable, le ferma, se râcla la gorge et s’adressa à l’assistance :
“Chers et chères ministres, comparses, porte-coton et thuriféraires !
Un mal corrompt notre beau pays, ronge nos banlieues, pervertit notre jeunesse, s’étend à nos villes, met en danger les personnes et les biens (à l’évocation des biens, il salua discrètement et versa une larme), menace mon pouvoir éclairé (il frémit), et fait du chagrin à Madame Carla, mon admirable épouse !
Ce mal, chers acolytes, vous l’avez reconnu, c’est la formation de bandes de voyous, qui ne respectent rien ni personne, même pas moi ! Ils volent l’argent des pauvres (pas des riches, Dieu soit loué !). ils bafouent la légalité républicaine en chassant brutalement ceux qu’ils déclarent indésirables. Ils expulsent les misérables de leurs logements. Ils sabotent la justice en supprimant les tribunaux. Ils remplisent les prisons de vivants et de pendus. Ils veulent faire de nous une nation d’incultes en persécutant les enseignants et les chercheurs. Ils nuisent aux médecins et aux malades en s’attaquant aux hôpitaux. Ils empêchent les femmes d’accoucher en fermant des maternités.
Ah ! Mes chers sous-produits ! Le monde nous regarde ! Il nous faut au plus vite débarrasser la France de ces nuisibles !”

Le chanoine fut compris. On vit les ministres faire un hara-kiri collectif. Monsieur Nicolas, soulagé, n’eut aucun mal à les remplacer.

Jacques FRANCK