Les cadeaux de Saint-Nicolas

Posted on : 03-12-2009 | By : vincent | In : Les propos du vieux toubib

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L’usurpateur (conte religieux) par Jacques Franck.

Le samedi 5 décembre, le vieux Saint-Nicolas se leva de bonne heure, fit quelques pompes pour se mettre en forme, se livra à une toilette succincte, et prépara sa tournée annuelle. Il remplit sa hotte et le coffre de son véhicule de jouets et de confiseries, vérifia la mise à jour du listing de ses clients, et rendit une visite de politesse à Dieu, son employeur. “Méfie-toi, lui dit le patron, cette année tu vas avoir des problèmes. Ton titre est contesté par un petit mec arrogant, qui se prétend le seul Saint-Nicolas ! il semble même qu’il se fait quelquefois passer pour Moi !”
Le saint, qui en avait vu d’autres, ricana dans sa barbe et entreprit sa descente sur la Terre. Il distribuerait sa cargaison de cadeaux aux gamins en temps et en heure. Quant à l’imposteur, il n’aurait qu’à numéroter ses abattis!

A son atterrissage, le véhicule fut intercepté par une escouade d’anges vêtus de cuir, armés de flash-balls et de tasers. Il crut reconnaître les séides de Saint-Brice, le maître des polices terrestres. “Votre permis et les papiers du véhicule ! Ouvrez le coffre, sortez, mettez les mains sur le toit de la voiture ! Laissez-vous fouiller, sinon…” Le spadassin caressa amoureusement la crosse de son taser.
Son supérieur expliqua. “Le vrai Saint-Nicolas, c’est pas toi, tronche de pou ! Le vrai, il ne donne pas de poupées à la gomme ni de pain d’épices de merde ! Le vrai, le nôtre, il couvre les bons, les riches, d’un épais bouclier fiscal ! Il soulage les pauvres patrons en leur épargnant une taxe professionnelle impie ! Charitable et généreux, il sort de sa hotte (c’est à dire de la poche des gens) des milliards d’euros pour consoler les banquiers qui ont eu des frayeurs nocturnes ! Il n’encourage pas les tire au flanc qui se prétendent malades et leur fait payer de justes franchises sur leurs soins ! Il rétablit la Justice, la vraie, en taxant ces flemmards d’accidentés du travail qui se gobergent sans payer d’impôts ! Bref, le vrai Saint-Nicolas répand les seuls bienfaits qui vaillent, ceux qui nourrissent le CAC 40 !” A l’appui de sa démonstration, l’ange glissa une contravention de 35 euros pour stationnement interdit sous le pare-brise de Saint-Nicolas.

Celui-ci mit le cap sur le Vatican et alla se plaindre à Monsieur Benoit.
- Mon cher Pontife, on me traite mal. Les anges de ce voyou de Saint-Brice me jettent dans les pattes un usurpateur, un soi-disant Nicolas, qui…
-Ach ! Grand Saint ! Bois un petit coup de ce schnaps, que je fais venir de Munich, et écoute-moi. Mon cher et vénéré ami Nicolas (il se signa avec effusion) ne saurait être un usurpateur. Il agit pour le bien de son peuple, de notre Religion et des riches. Ces malheureux ne pourraient pas plus entrer dans le Royaume des Cieux qu’un camélidé passer par le trou d’une aiguille. (Matthieu, 19-24) Ils méritent bien une petite compensation.
-Pape, il est bon, ton schnaps. Mais…
- Grand Saint ! Tu me déçois. Je vois bien, hélas, que ce n’est pas de toi que l’on peut attendre des réformes et que ta compréhension des choses de la vie est aussi poussiéreuse que ta barbe d’opérette. Le vrai Nicolas, le respectable, celui que j’aime, il est, lui, chanoine de Saint-Jean de Latran !”
Le Pontife se signa d’une main et avala encore un petit coup de schnaps de l’autre.

Le bon Saint-Nicolas, désemparé, regagna ses pénates célestes et jeta un œil sur Facebook afin de se renseigner sur les véritables valeurs de notre temps. Les gamins terrestres n’eurent pas leurs cadeaux.

Jacques FRANCK le 3 décembre 2009

La fête de l’Assomption célébrée par le Pape

Posted on : 13-08-2009 | By : vincent | In : Les propos du vieux toubib

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Monsieur Benoît et le dogme par Jacques Franck.

Monsieur Benoît, en vacances, gara sa papamobile en double file devant le supermarché de Castelgandolfo où il avait coutume d’acheter ses saucisses et son schnaps. Le patron, en véritable enfant de Dieu, lui consentait une réduction propre à fidéliser sa clientèle. Il sortit en bénissant urbi et orbi vendeuses et caissières, ne vit pas un avis de contravention qu’une contractuelle laïque et impie avait glissé sous son essuie-glace pontifical, et s’abîma en méditations théologiques. “Grand Saint-Père, se dit-il (il respectait ses fonctions et ses titres au plus haut point), j’ai des problèmes avec la Vierge Marie. Chaque année, à l’approche du 15 août, c’est pareil. Cette femme, comme d’ailleurs toutes les femmes (il prit un air dégoûté), me complique la vie. (Il se signa, touchant son front, sa poitrine, ses deux épaules, et, furtivement et involontairement, sa braguette.)
Je suis obligé de clamer devant mes fidèles, comme vérité révélée, le dogme de l’Immaculée Conception. Certes, je n’y connais pas grand’chose en ce domaine, mais je ne vois pas très bien comment elle a pu s’y prendre! Parfois, les fidèles ricanent. Et samedi, je vais magnifier l’Assomption, encore un dogme ! (il but un petit coup de schnaps.) Ach ! C’est quoi, exactement, un dogme ? Je demanderais bien à mon bienheureux et omniscient fils le chanoine Nicolas, mais il batifole pieusement dans le Var et je ne veux pas le déranger.”
Monsieur Benoît médita un petit coup de plus. Puis, illuminé, il se frappa le front : “Putain ! Mais c’est bien sûr ! Je vais demander au Seigneur !”
Le Seigneur, dans sa Grandeur, daigna répondre à son Pontife :
“Grand Saint-Père, tu vieillis ! Tu oublies ce qu’on t’a enseigné au Séminaire. Un dogme, c’est la force de notre Sainte Eglise : l’obligation de croire à une authentique connerie !”

Jacques FRANCK, le 13 août 2009

Jésus, ses apôtres et le Saint Esprit

Posted on : 27-05-2009 | By : vincent | In : Les propos du vieux toubib

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Le miracle de la Pentecôte par Jacques Franck.

Cinquante jours après son étonnante résurrection et dix jours après son arrivée aux côtés de Dieu, Jésus Christ s’ennuyait un peu. Ce brave jeune homme souhaitait se rendre utile. Son désir puisait sa légitimité dans la vision déplorable que lui offrait le monde. Les marchands du temple, qu’il avait dénoncés naguère, tenaient le haut du pavé. Ils s’étaient regroupés et organisés en bandes dites multinationales. Ils mettaient l’Europe (et pas seulement l’Europe) en coupe réglée. Se réclamant du droit à la concurrence libre et non faussée, ils imposaient leurs lois et s’attaquaient aux services publics qui fonctionnaient à la satisfaction du peuple. Ils introduisaient des loups dans toutes les bergeries, saignaient les plus faibles et appelaient ça l’économie de marché.
Ces prédateurs s’appuyaient sur des institutions crapuleuses, bizarrement désignées sous le nom de “Bourses des Valeurs”. Ils se livraient à l’extorsion des maigres biens des pauvres gens dans d’autres institutions dites “banques”. Ils entretenaient des complicités dans les hautes et basses sphères des états et ne craignaient même pas de faire appel à un chanoine dépravé pour couvrir et bénir leurs basses œuvres.
Sur sa terre natale, Jésus assistait avec chagrin à des brutalités et des persécutions exercées par un peuple contre un autre peuple.
“Bordel, se dit-il, bordel, (il s’abstenait de jurer le nom de Dieu et faisait appel à des locutions de suppléance) ça ne peut plus durer comme ça. Il faut que je parle au patron !”
Les deux hommes conférèrent. Ils décidèrent de mettre bon ordre au désordre. Jésus se souvint qu’il avait laissé sur la Terre une douzaine de copains, ses apôtres. Ils lui restaient dévoués et il les savait prêts à lui donner volontiers un bon coup de main. Mais comment les joindre ?
-”Putain, patron, j’ai une idée ! Et si on demandait au Saint Esprit de descendre ? Justement, il n’a rien à faire en ce moment, et mes potes seront contents d’avoir des nouvelles !
-Bingo ! dit Dieu.”
Le Saint Esprit, ravi de l’occasion, descendit sur Terre. Il réunit les apôtres de son ami Jésus. Conscient de l’urgence de la situation, il leur assigna une tâche, et les dispersa à travers les circonscriptions avec mission de porter partout la bonne parole. Ils s’en acquittèrent avec enthousiasme et partout, de Lille à Marseille, de Brest à Toulouse, de Paris à Strasbourg, de Cherbourg à Clermont-Ferrand, de Pau à Metz, de Rouen à Nice, ce ne fut qu’un cri :

LE 7 JUIN, VOTEZ POUR LE FRONT DE GAUCHE !

Jacques FRANCK, le 27 mai 2009